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Le mois de l'orgueil
(mais pas des préjugés)
Mesdames, Messieurs, Mes camarades entre les deux, je commence cette newsletter de juin en vous souhaitant un merveilleux Pride Month ! Mais qu’aucun d’entre vous n’oublie que la défense des droits lgbtqia+ ce n’est pas qu’en juin, c’est toute l’année ! (D’ailleurs, si l’un d’entre vous l’oublie, je viendrais chez lui pour le taper et le forcer à regarder des films avec Vincent Lagaf, vous voilà prévenus)
Les nouvelles du front :
Sans plus attendre, débutons la phase « News » de cette newsletter (vous pouvez toujours la lire avec la voix de Gilles Bouleau si vous voulez) :
Je suis retournée quelques jours de mai dans mon occitanie natale pour deux occasions : l’anniversaire des quarante ans de la médiathèque de Donneville et ma toute première intervention auprès de collégiens ! En l’occurrence, c’était au collège de la Montagne Noire que ça se passait, (oui, oui la même Montagne Noire où se déroule L’étreinte du roncier) dans le Tarn. Merci beaucoup à Julien et Sophie de m’avoir invitée pour ces deux évènements !
Et en parlant de Montagne Noire, j’ai relu L’étreinte du roncier pour les modifications éditoriales de la réédition (je vous révèle la maison d’édition dès qu’on m’y autorise, promis) et je suis tellement heureuse de vous ramener ce roman ! Un petit extrait pour se mettre l’eau - de la rivière sacrée - à la bouche ?
« Je ne suis plus la pierre. Plus maintenant. Je suis l’eau. Je suis l’eau dormante, mais furieuse. L’eau captive depuis trop longtemps, qui doit revenir, prendre sa place triomphante, régner dans la vallée. Je suis la vie, sauvage et cruelle, qui s’impose quoiqu’on veuille en faire. Je suis…
La terre qui tremble ?
— Un séisme ? s’inquiète Roselyne. Il y en a souvent ici ?
— Non, la rassure Tanat. Très rarement, et généralement pas très fort. Ça va bientôt s’arrêter ! »
— Enfin, j’avale la distance sur L’évadée de Castille comme si j’étais un coureur du Tour de France. C’est un de ces projets sur lesquels je galère à m’arrêter tant je m’éclate ! J’ai même dû m’y arracher pour vous écrire cette newsletter. Et bonne nouvelle : je suis arrivée à la moitié du premier jet !
Là aussi, un petit extrait pour vous tenter (il est en pleine rédaction et n’a pas encore été corrigé, je préviens) ?

Le moodboard du projet, pour vous mettre dans l’ambiance
« Une touche de rouge — mélange de cochenilles écrasées et d’huile parfumée — pour napper ses lèvres de baisers mortels. Un trait de poudre de khôl pour noircir ses yeux de haine et les désinfecter de toutes les larmes qui pourraient y naitre. Un peu de nacre brisée pour faire ressortir ses pommettes creusées et la sévérité de sa clavicule…
Elle natta deux tresses de ses longs cheveux pour les encager dans un chignon complexe, qui dévoilerait parfaitement la courbure de ses épaules et la naissance de sa poitrine, puis elle déversa une généreuse lampée d’huile ambrée sur sa peau tannée par le travail et l’attente.
L’odeur enchanteresse qui montait de ses poignets et de son propre cou lui inspirait quelques relents de nostalgie jamais trop éloignés de cette chambre ouverte dont elle rêvait tant… mais non, pas ce soir. Désirée s’occuperait de transmettre son message. Elle-même n’avait plus le temps ou la concentration nécessaire pour s’attrister sur son sort. En ce soir tamisé de flammes et de secrets, elle n’avait plus rien d’autre qui puisse l’inquiéter. Du mois plus rien qui ne soit le tranchant de sa lame dissimulée dans les draperies du lit, ou la chaleur des braises qui patientaient sous les arceaux putrides des caves de l’auberge. Le spectacle allait pouvoir commencer. »
Maintenant que vous connaissez mes aventures éditoriales, parlons de culture (parce que la culture, c’est super bien) et de mes découvertes/recommandations du mois :
Recommandations culturelles :
Cinéma :
The woodsman and the rain, Shuichi Okita, Japon, 2011 : Une adorable comédie japonaise sur les mésaventures d’un bûcheron emmêlé un peu malgré lui dans le tournage d’un film de zombies complètement fauché. Le film est tendre, drôle, profondément mignon. Vous pouvez y aller sans la moindre crainte !
Les assassins sont parmi nous, Wolfgang Staudte, RDA, 1946 : Un film profondément imparfait, mais à la symbolique magnifique sur les conséquences dévastatrices de la seconde guerre mondiale. Quelques longueurs sur le milieu et beaucoup moins d’assassinats que ce que je voulais voir, mais une partie de l’équipe de Métropolis a été employée pour donner sa patte expressionniste au film et ça se sent ! Un film qui est aussi très intéressant pour voir les ruines de Berlin juste après la fin de la guerre.
Ghostwatch, Grande-Bretagne, 1992 : Un téléfilm sous forme de fausse émission TV sur le surnaturel qui a terrifié l’Angleterre le jour de sa sortie (et a malheureusement causé le suicide d’un jeune homme un peu impressionnable persuadé que sa maison était hantée) et qui m’a terrifiée, moi, tout en sachant que c’était fictif. Le rythme monte crescendo et le tout finit dans un incroyable bordel. Si vous êtes comme moi amateur d’analog horror, c’est un must-watch (ou un ghost-watch, mdr, j’ai fait l’école du rire.)
Livres :
Angélique T1 : marquise des anges, Anne Golon, 1957 : Depuis le temps que je voulais lire les romans à l’origine d’une de mes séries de films préférées ! Eh bien, je ne… sais pas vraiment ce que j’en pense. D’un côté, je suis très agréablement surprise par le caractère et la force de l’héroïne. De l’autre, je trouve certains personnages peu subtils et bien mieux campés dans l’adaptation cinématographique. Si l’ancrage régionaliste du début de l’intrigue me plaît énormément, le style me semble franchement désuet, même pour un roman des années 1950. Mais peut-être l’autrice a-t-elle voulu se rapprocher d’un style précieux du dix-septième siècle ? Je réessaierai de m’attaquer au reste de cette saga un jour, mais clairement pas cette année.
Céder la place, Emmanuel Quentin, 1115, 2019 : De tous les formats courts d’Emmanuel Quentin que j’ai pu lire, cette nouvelle est la meilleure. Simple, efficace, morbide et en même temps mélancolique, Céder la place ne cède justement jamais à la vulgarité. L’histoire est courte et sans chichis, mais elle fait passer toute la tristesse et le sordide de cet univers cyberpunk complètement désensibilisé à la violence. Bon point pour la couverture dont on ne comprend l’illustration qu’après avoir lu la nouvelle et qui en devient glaçante !
Les nuits envolées, Magali Lefebvre, Le chat noir, 2025 : Bon, lire cette novella, c’était presque trop facile. Je savais pas avance que je risquais de l’aimer, tout dans le mix me plaît : un conte gothique, l’époque napoléonienne, des paralysies du sommeil, une héroïne amatrice de viande crue… Le style est impeccable et peint parfaitement la toile de l’intrigue (et si on reste dans les métaphores picturales, on est facilement sur du Friedrich ou du Turner). L’histoire d’amour de Sirine, suggérée par ses souvenirs et la façon dont elle se languit, est mélancolique et en même temps remplie d’espoir. Son mari, qu’on ne connaît que par ces morceaux de souvenirs, arrive même à être une très belle représentation de la bisexualité (que je ne pouvais qu’apprécier) ! Un coup de cœur assuré pour n’importe quel amateur de gothique qui passerait par ici !
Musique/Podcasts/Radio :
Jueves, Café del mundo, Allemagne, 2024 : En ce moment, j’écoute pas mal de musiques à sonorité hispanique pour me plonger dans l’atmosphère de L’évadée de Castille. Et c’est en cherchant de l’epic music ou de la musique de film imprégnée de guitare que j’ai découvert ce duo de guitaristes allemands. Jueves et Dance of Joy, deux des morceaux qu’ils ont réalisé avec le royal philarmonic orchestra, sont pour moi deux morceaux parfaits pour quiconque aime lire ou écrire de la romance historique.
Lullaby, Pink martini, USA, 1999 : Comme je l’ai dit, ce mois-ci j’ai relu L’étreinte du roncier pour le préparer en vue de sa ressortie, et j’ai donc revisité tout un pan de musique que j’écoutais à l’époque de la rédaction (et que j’écoute encore, à vrai dire). Cette variation sur la célèbre chanson Sympathique (je ne veux pas travailler) a une vraie atmosphère mélancolique et mystérieuse qui se prête parfaitement au gothique, voire à l’horreur existentielle.
Seirenes, Christopher Tin, USA, 2014 : Un magnifique morceau d’epic music dont je me suis rappelée en lisant Les nuits envolées. Une ambiance absolument terrifiante et grandiose, parfaite pour fantasmer batailles ou apocalypse bien au chaud sous sa couette. (Ou ailleurs, vous faites ce que vous voulez, hein)
Si vous cherchez une émission plus politique, j’aide toujours à animer « Prière de l’ouvrir ». Et c’est toujours une émission mensuelle, diffusée sur Radio Campus Angers (et disponible en podcast/replay après chaque direct) les derniers mardis de chaque mois, qui traite de militantisme catholique et de lutte contre l’extrême droite.
Conclusion :
Pour vous récompenser de m’avoir lue jusque-là, voici en avant-première ma nouvelle photo officielle en tant qu’autrice ! Elle a été prise à la cité de l’architecture de Paris par mon amie Justine Rouaix-Berné et sera utilisée pour la promotion de Notre-Dame-de-la-Dormition ! Qu’en pensez-vous ?

Votre humble servante devant une représentation de l’enfer (parce qu’évidemment je me fais prendre en photo devant des trucs pareils !)
On se retrouve le mois prochain !
Manon Segur